"Au fait, Payne, c’est l’artiste multifonctionnelle Joanna Lorho (piano / voix), soutenue principalement par le violoncelle omniprésent de Corentin Dellicour.
J’ai donc écouté les sept chansons de « Someone Is Missing » (un titre on ne peut mieux choisi !).
Sept petites perles d’une beauté crépusculaire, enfilées sur une petite demi-heure de temps.
Sept moments intimes et mélanchodieux qui nous rappellent un peu les disques que le label 4AD publiait dans les eighties, ou les albums que cette chère Anohni « Antony » Hegarty « Johnsons » nous offre trop rarement."
De quoi nous faire plaisir dans les mots de de Joseph YT Boulier qui nous a invité à jouer vendredi prochain à l’An Vert à Liège, et on se réjouit de pouvoir jouer sur une cette scène.
Un extrait du clip. Brut. J’allais écrire clip "à venir" mais c’est déconné j’écris ça depuis 2 ans. Cela dit, pour ceux qui suivent, deux ans, c’est un délai normal pour quelques minutes d’anim ici.
Oui et puis on dirait pas, mais je fais des trucs à part ça. J’y reviendrai.
Et puis on balance aussi notre musique sur le net. Là un clip si on peut appeler ça comme ça.
Le premier janvier je me suis levée après 4h de sommeil et ça tanguait pas mal, il y avait des enfants autour de moi qui pétaient la forme. Quand ils sont venus me dire qu’ils avaient faim le temps c’était pas mal contracté dans mon esprit brumeux parce que ça faisait pas loin de 2h qu’on était tous debout. J’ai essayé de faire des pancakes mais il a fallu s’y reprendre quelque fois.
Le lendemain je passais 11h sur un chantier de ce qui devrait finir par être notre maison. J’ai pris quelques minutes pour rêver dans cette pièce où j’ai prévu de rassembler mon bureau, le piano, les machines, les bouquins, mes cours et quelques plantes vertes.
Est-ce que rassembler mes activités dans un même endroit, va m’aider à me rassembler moi ?
J’ai toujours trop de boulot, et tout se bouscule tout le temps pour produire des choses difficilement observables. Je me dis que ces derniers mois, mon fils de 4 ans a certainement plus dessiné que moi. Je pense à mes films pas ou peu diffusés, en chantier, au retard que j’accumule, à mon disque dans des caisses, à mes projets avortés ou qui croupissent en attendant je ne sais quel jour meilleur. Au fait qu’on me sollicite rarement. J’essaie de lutter contre l’idée que je commence à être trop vieille pour vraiment penser pouvoir encore produire quelque chose qui dépassera le stade de la confidentialité, et si c’est pas l’âge, ce sera ma propension à mener trop de choses à la fois.
Comme si j’étais plusieurs, dédoublées et fantomatiques, désassemblées, éparpillées, qu’il faudrait remettre sur la même longueur d’onde, ré-harmoniser.
Ca me rend triste parfois.
Mais c’est largement compensé par le fait que chaque jour je fais une série de choses qui me procurent du plaisir, jouer, chanter, écrire, animer, dessiner, lire, parler, ou même décaper, construire. J’enseigne et c’est un boulot que j’adore, même si une fois de plus, je n’y fais pas la moitié de ce que je voudrais. J’ai des enfants qui me font marrer, une famille et des amis.
C’est largement compensé par le fait que j’ai un sentiment assez doux qui m’avait quitté depuis un moment, une fréquence basse qui me rend plus tranquille, qui me stabilise. Je suis plutôt heureuse ces temps-ci.
Chaque jour je me dis que j’ai de la chance.
"...Je lui accorde des jachères calmes, où elle peut se refaire des herbes sauvages et des fleurs pendant toute une saison. Ainsi, sous cette parure souvent épineuse, elle recompose en silence ses couches d’humus nourricier et ses veines d’eau." Bosco, Le Mas Théotime
J’avais lu assez attentivement la partition, mais c’était trompeur, à vrai dire, je ne vois pas encore à la lecture quand ça tombe dans les doigts, ou pas. J’ai vu qu’il n’y avait rien à la clé je me suis dit "facile". Enfin, à l’écoute je voyais bien qu’il y avait des crasses. Je me suis dit "ça va aller". Parce que je l’avais enfin cette place à l’académie, que cette année allait être dédiée à la musique, parce qu’il faut que je progresse, parce que la flûtiste a un super niveau, que je ne voulais pas qu’elle s’ennuie avec moi. Parce que j’aime bien les trucs speed.
Entre décembre et mai, il y a eu comme une compression du temps, un véritable tunnel. La méga accélération.
Le matin - enfin les matins où j’arrivais à me poser au piano, évidemment trop rares - quand je déployais cette partition tellement longue que j’arrivais même pas à trouver un moyen de tout faire tenir sur le piano, quand je m’y mettais, mes mains tremblaient, je reprenais les choses lentement au métronome, je montais le tempo, je jurais, en rythme, j’y arrivais, j’y arrivais plus... Les semaines passaient parfois et quelques mesures à peine acquises...
Ce tempo, ce tempo en fait est infernal.
Plus les semaines passaient, plus j’oscillais entre plaisir, obstination, colère, découragement, stupeur...
J’ai senti mon cerveau endurci, incapable, j’ai senti que l’info ne pouvait plus rentrer, ne se fixait plus, ma tête était une glaise dense. Mes mains raides et butées... les connes !
Je pensais au reste, aux autres partitions, Fauré, Schumann, au crowdfunding, au clip, au disque, au notaire, à mon ordi en panne, aux mails, à la radio, aux dossiers, à mes cours, au logopède que j’ai encore oublié putain, à l’heure qui tourne, et cette putain de phrase qui rentre pas !
J’ai détesté Saint-Saëns, mais qu’est-ce qu’il a contre les pianistes pour écrire des horreurs pareilles !
Et oui évidemment, quand ça allait parfois, ça faisait du bien. J’évaluais les passages en chantier... Je me disais, ça va aller...
C’était l’exemple flagrant pourtant.
Quel orgueil, vouloir réussir en y étant si peu.
Vouloir faire de la musique, de la musique pour soi, de la musique classique, être prof, mère, s’engager dans un crowdfunding, sortir un disque, annoncer un clip.
Voir les choses se faire, un peu à moitié, jamais assez, jamais assez posé, jamais entièrement.
Elle est bonne.
J’espère que j’ai appris quelque chose cet hiver.
Je gribouillais mon agenda en comptant à quels endroits je pouvais encore caler une "demie" journée de travail, là un dimanche matin, et le soir aussi, en semaine, voilà, là, on devrait y arriver.
Un tableau chaotique dans lequel à peu près plus rien ne faisait sens.
Là où les deadlines n’étaient pas négociables, j’y suis allée.
On s’en est bien sorti avec Payne, on a fait des concerts tout à fait honorables.
J’ai passé des entretiens que j’ai remporté.
J’ai à peu près honoré mon crowdfunding( j’ai encore quelques colis qui attendent...)
J’ai replié les 21 pages de la Tarentelle, et on verra, dans une autre vie peut-être. J’ai dit non pour le Fauré, que j’adore pourtant, et je n’ai gardé "que" un petit Schuman, et un petit Tchaïkovsky.
J’ai découvert que dessiner me manquait méchamment, ça ne m’empêche pas de repousser après la rentrée toute velléité qui se situerait du côté de la bande dessinée.
Et le clip, il viendra, j’annonce même pas de deadline. Et tanpis si ça ne colle pas avec les plans promo, c’est comme ça. J’aurai adoré tout balancer dans un timing parfait.
Être jeune, géniale et ordonnée.
Ahah. En attendant, j’y retourne.
Le clip il arrive. J’y bosse.